Notre définition de la désobéissance civile

La désobéissance civile est une action organisée de transgression d’une loi, d’un ordre ou d’une décision dans le but de s’opposer à une injustice sociale, écologique, politique, … Elle est collective, publique, non-violente et menée à visage découvert. Elle vise à créer un rapport de force avec le pouvoir. L’action s’inscrit dans la durée avec un objectif annoncé et atteignable. Elle porte un projet constructif de transformation sociale, écologique ou politique. Les désobéisseur·euses assument les risques de la sanction. Illégale, la désobéissance civile est jugée légitime par ses acteur·ices.

Complément explicatif :

  1. Une action collective. Cette action collective peut réunir des citoyens qui ne partagent pas forcément les mêmes convictions, mais qui sont unis sur un objectif précis et une méthode d’action pour s’opposer à une politique gouvernementale ou un projet néfaste. La désobéissance civile se distingue donc de l’objection de conscience, démarche morale et individuelle qui relève essentiellement du témoignage.
  1. Une action publique. À la différence de la désobéissance dite « criminelle », la désobéissance civile se fait au grand jour, à visage découvert. Dans tous les cas, elle est assumée et revendiquée de façon à ce qu’elle ait le plus grand retentissement possible. C’est précisément son caractère public qui lui donne sa dimension politique. La publicité donnée à l’action permet de mettre en valeur les principes éthiques qui motivent ceux qui enfreignent la loi, non pas pour eux-mêmes, mais pour défendre une cause supérieure à leurs propres intérêts.
  1. Une action non-violente. La civilité de la désobéissance s’exprime par des moyens non-violents qui respectent l’adversaire. La violence est aussi une forme de désobéissance, de transgression. C’est pourquoi l’État sera toujours tenté de « criminaliser » la désobéissance civile, de la faire passer pour une action délinquante et violente. Le meilleur antidote à cette volonté de dénigrer et de discréditer la désobéissance civile est de rester ferme sur le choix et l’affichage de la non-violence. Il s’agit là d’un choix éthique autant que politique.
  1. Une action de contrainte. C’est une action qui vise à l’efficacité politique. Il s’agit d’agir de façon à mobiliser l’opinion publique et contraindre l’État à modifier la loi, à la changer ou à l’abolir. La stratégie de la désobéissance civile doit se donner les moyens d’exercer une force de contrainte qui oblige l’État à céder aux revendications du mouvement. Ce n’est donc pas une action ponctuelle de « témoignage », c’est-à-dire une action pour affirmer seulement des convictions.
  1. Une action qui s’inscrit dans la durée. Le choix de la non-violence permet de tenir dans la durée, de rester ferme et uni, et finalement d’exercer une plus forte contrainte sur l’adversaire. L’objectif à atteindre n’est pas démesuré, il est limité et atteignable. Plus l’action dure, plus le pouvoir est enfermé dans un dilemme : laisser s’installer l’illégalité et perdre son pouvoir, ou bien exercer une répression grandissante sur les désobéisseurs, laquelle risque ensuite de se retourner contre lui, suite à l’indignation de l’opinion publique.
  1. Une action qui assume les risques de la sanction. Les désobéisseurs civils, parce qu’ils sont aussi des démocrates, acceptent d’affronter les conséquences judiciaires de leurs actes. Les procès peuvent être utilisés comme des tribunes pour la cause défendue. Mais ne pas se dérober à la justice ne signifie pas forcément d’accepter la sanction finale… C’est le contexte politique qui détermine généralement l’attitude la plus opportune pour la suite de la lutte. La bataille judiciaire peut mettre en valeur le caractère citoyen de l’acte commis, sa visée anticipatrice d’une nouvelle législation à venir. Ceux qui enfreignent la loi ne se dérobent pas de leurs responsabilités et les assument jusque devant la justice.
  1. Une action constructive. La désobéissance civile est une action qui s’oppose, mais qui aussi propose. Contre l’injustice de la loi, elle défend de nouveaux droits. Elle n’est pas seulement une force de contestation et de résistance, elle est aussi une force constructive au service d’un projet de société. Ainsi, les citoyens exercent un vrai pouvoir lorsqu’ils affirment leur capacité à construire des alternatives aux lois sociales injustes. Plus que jamais, le « programme constructif » est l’alter ego de l’action de non-collaboration. Il montre que l’alternative est possible et qu’elle commence dès le temps de la lutte.

Selon ces sept principes, la désobéissance civile s’affirme comme un outil de lutte démocratique qui permet de concilier l’exigence éthique avec la radicalité de l’action. Elle est un puissant moteur de construction du droit par les citoyens. La transgression de la loi injuste n’est pas un déni du droit, mais l’affirmation citoyenne d’un grand respect pour le droit. La désobéissance civile, paradoxalement, apparaît donc comme un temps privilégié de respiration et de renforcement de la démocratie. La désobéissance civile, en tant que « radicalité constructive » bien comprise, ne s’oppose pas à la démocratie, mais vise à la renforcer en structurant efficacement les nécessaires contre-pouvoirs citoyens.

Enfin, les théoriciens de la non-violence distinguent généralement deux formes de désobéissance civile : la désobéissance civile directe et la désobéissance civile indirecte. La première est une transgression de la loi contestée pour son injustice en vue de son abrogation ou de sa modification, la seconde est la transgression d’une loi qui n’est pas directement concernée par l’injustice. Lorsqu’aux États-Unis des étudiants noirs s’installent dans des restaurants réservés aux blancs, ils transgressent directement la loi sur la ségrégation qui leur interdit l’accès à certains lieux publics : c’est une forme de désobéissance civile directe. Lorsque des militants non-violents bloquent un train pour empêcher le transports de déchets nucléaires, il ne s’opposent pas à la loi qui interdit d’entraver la circulation sur la voie publique, mais veulent obtenir un changement dans la politique nucléaire du pays : c’est la désobéissance civile indirecte.